
Quelque 120 professionnels en soins palliatifs ont participé au Symposium François Gamache à Rivière-du-Loup. (Johanne Fournier/Collaboration spéciale)
Par Johanne Fournier, Collaboration spéciale
Une nouvelle approche pour les soins de fin de vie a été implantée à Rivière-du-Loup. Ce modèle novateur s’inscrit dans le cadre d’un projet pilote qui consiste à mettre en place un nouveau continuum en soins palliatifs.
«On veut contrer l’idée que les soins palliatifs sont associés à la dernière semaine avant la mort», note le cochef du service de soins palliatifs du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent, le Dr Éric Paradis.
Médecin à la Maison de soins palliatifs Desjardins de Rivière-du-Loup, le Dr Paradis a présenté cette nouvelle approche vendredi devant quelque 120 participants réunis à Rivière-du-Loup en marge du Symposium François Gamache. Il s’agissait principalement de médecins, d’infirmiers, d’intervenants spirituels, de psychologues, de travailleurs sociaux, de préposés et de bénévoles.
Approche unique à Rivière-du-Loup
Cette approche est appliquée uniquement à Rivière-du-Loup, de l’avis de l’omnipraticien. «Éventuellement, elle pourrait être déployée ailleurs», précise-t-il en entrevue avec Le Soleil. Cette nouvelle vision provient du plan du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec s’intitulant Pour un accès équitable à des soins palliatifs et de fin de vie de qualité. «La priorité est d’implanter le repérage précoce en soins de fin de vie, mentionne-t-il. C’est exactement ce qu’on applique concrètement.»
À cela s’ajoute un code de couleur inventé par l’équipe de Rivière-du-Loup. Les patients sont ainsi catégorisés selon une couleur: bleu, vert, jaune et rouge. «On a des critères pour déterminer une couleur à chaque patient, précise l’omnipraticien qui est également rattaché au Centre hospitalier du Grand Portage de Rivière-du-Loup. Un code rouge est attribué à des patients qui sont très instables, qui vont probablement décéder dans les prochaines semaines. Pour un patient qui est codifié en bleu, il peut lui rester des années à vivre. On les assigne selon différentes trajectoires et on les accompagne. C’est donc une philosophie où on va ajuster les interventions en cours de route.»
Une équipe spécialisée en soins palliatifs appelée le SIAD [suivi intensif à domicile] est dédiée à des patients très malades, alors que le SAD [soin à domicile général] est affecté à des patients qui ont une espérance de vie plus longue. «Il y a une gradation dans l’accompagnement, d’où l’importance de bien les catégoriser par le code de couleur», spécifie le professionnel de la santé.
Un patient qui est codifié bleu, donc au stade le moins grave de sa pathologie, est tout de même atteint d’une maladie terminale. «Dans tous les cas, ce sont des gens qui sont décomptés, explique Éric Paradis. Mais, on va ajuster l’intensité des services.»
Selon l’intervenant spirituel Yves Samson, les maisons de soins palliatifs ont dû s’adapter aux demandes d’aide médicale à mourir. (Johanne Fournier/Collaboration spéciale)
Recommander les patients de façon précoce
«On constate que les patients sont redirigés trop tard, déplore le docteur. Il y a des patients qui arrivent et dont il ne leur reste que quelques jours à vivre. On ne les a pas accompagnés, on ne les a pas connus, on n’a pas connu la famille, on n’est pas capable de faire un cheminement s’ils décèdent trop rapidement. Donc, on constate qu’on peut faire mieux que ça.» La meilleure façon, c’est que les patients soient dirigés de façon précoce par les professionnels en oncologie, en chirurgie, en radiothérapie.
Selon le médecin, le concept n’est pas associé à une maison de soins palliatifs en particulier. «On est beaucoup plus macroscopique dans tout le réseau de santé de Rivière-du-Loup. C’est une approche conjointe entre la maison de soins palliatifs, le réseau du CISSS et plus spécifiquement l’équipe du CLSC de Rivière-du-Loup. Ces gens forment une équipe et se rencontrent chaque semaine. Il y a toujours un médecin qui est associé à la maison de soins palliatifs qui est de garde. Il travaille avec les intervenants du CISSS qui font l’accompagnement à domicile.»
Autant que possible, les professionnels en soins palliatifs vont tenter de maintenir le patient à domicile. «Si c’est le souhait de la famille du patient et qu’il est possible de le faire, on va le faire, explique le Dr Paradis. Il y a des décès à domicile.» En revanche, si le maintien du patient à domicile n’est pas possible parce que la famille n’est pas présente, qu’il ne peut pas compter sur du soutien ou que la situation est trop lourde, le patient peut être admis en maison de soins palliatifs. «Mais, il faut qu’il y ait un pronostic de moins de deux mois», précise le médecin.
Aide médicale à mourir
Les participants au symposium ont aussi pu entendre une conférence prononcée par l’intervenant en soins spirituels à la Maison Victor-Gadbois de Saint-Mathieu-de-Beloeil. Dans son allocution intitulée Idéal de soins et pratiques professionnelles, le choc de la réalité, Yves Samson a notamment parlé des changements survenus au cours des dernières années dans le milieu des soins palliatifs. Ces changements ont un impact majeur sur la philosophie des soins à prodiguer et sur leur nature.
Depuis l’adoption de la loi concernant les soins de fin de vie qui permet à une personne de demander l’aide médicale à mourir, les maisons de soins palliatifs ont dû revoir leur idéologie qui consistait à ne pas hâter ni retarder la mort. «À la Maison Victor-Gadbois, on a longtemps résisté à l’aide médicale à mourir, a souligné le prêtre catholique. Mais, quand le gouvernement du Québec a changé les règles du jeu et que, depuis décembre 2023, on a cette obligation d’offrir l’aide médicale à mourir aux gens qui le demandent, il a fallu s’adapter et s’ajuster.»
Si le prêtre ne démontrait aucune résistance par rapport à l’aide médicale à mourir, ce n’était pas le cas, selon lui, de plusieurs personnes. «En équipe, on a décidé que l’aide médicale à mourir serait prodiguée par un médecin qui vient de l’extérieur», a-t-il mentionné.
Accompagnement spirituel
«Certaines traditions religieuses prennent parfois le pas sur nous», a notamment soulevé M. Samson. L’intervenant a raconté le cas d’un médecin qui voulait envoyer sa patiente en psychiatrie parce qu’elle lui disait qu’elle avait le diable sur le dos. La patiente était Africaine. Dans sa culture, c’était une manière de parler; cela signifiait que le malheur s’était abattu sur elle.
«Quand j’ai informé le médecin de la différence culturelle après l’avoir validée avec la patiente, on ne l’a jamais envoyée en psychiatrie! Ça relève de mon champ d’intervention en soins spirituels.»
Johanne Fournier, Collaboration spéciale
Johanne Fournier a commencé à pratiquer sa profession en 1986. Amoureuse des mots et des images, elle témoigne de la vie des gens du Bas-Saint-Laurent et des Îles-de-la-Madeleine. Elle a signé son premier texte dans Le Soleil en mai 2009.